In-quiétude.

Par Mymytchell

Imaginez un monde où le beau temps aurait disparu.

Une nature inquiétante sans solution, sans bleu

qui vient dissiper les malentendus.

Les éclairs seraient multiples, pas à un seul endroit.

Dans notre ciel, il y aurait un, deux, trois,

dix même, éclairs dans un même instant.

Tout le temps. Imaginez bien.

Puisque nous n’avons pas tous les mêmes cauchemars,

imaginez un monde où il faut beau tout le temps.

Mais il ne fait pas beau, il fait four.

La chaleur ne s’arrête plus, elle brûle,

et dehors n’existe plus

pour ses bienfaits.

On oublie que la terre a réussi à se défaire du ciel

en l’émasculant.

On oublie que c’est par la force d’une faucille,

du courage de ses habitant-e-s

de l’aide du temps

qu’elle a pu souffler

et voir apparaître au dessus d’elle une nouvelle couleur azur

qui a tant fait couler d’encre

aux poètes qui visiblement aiment surtout le bleu.

Cette nature serait la vôtre.

Elle serait la seule que vous pouvez offrir à vos enfants.

Les films qui montrent autre chose n’auraient plus le pouvoir d’apaiser

les longues soirées d’hiver et maintenant même les jours d’été.

Et si cette nature n’avait pas été la seule que vous connaissiez,

vous seriez capable d’imaginer fort ce qu’a pu être la nature.

Et vous le transmettriez à vos enfants.

Elle était changeante la nature, et en y repensant bien,

c’était cet imprévu qui vous plaisait.

Je sors, je sors pas, ahah, que d’aventures.

Et là devant cet enlisement de la nature en un seul état oppressif,

vous auriez peur.

Eux peut-être moins.

Mais vous auriez peur.

Vous auriez l’effroi que ça ne s’arrête jamais.

Vous auriez perdu les terrasses d’été,

les cigarettes sur les rochers pleins de mousses,

(ou le petit verre sur les rochers pleins de mousses

avec vos amitiés-là)

puis la nourriture,

l’eau douce,

le réseau,

puis les infrastructures,

le court, l’aérien, le léger

vous auriez le lourd, le bas, le dense.

Le bruit de l’eau serait devenu

la fureur des eaux jaunes et boueuses.

Vous auriez les pieds dans la boue pour avancer, le corps plein de boue, les photos pleines de boues, les vitres pleines de boues,

et vous perdriez même l’eau salée,

inaccessible, trop agitée.

Et vous seriez obligés par les éléments extérieurs,

de vous serrer aux autres.

Car la nature resserrerait l’espace de votre vie possible.

Tous les matins, vous auriez la surprise de voir disparaître encore

un banc de terre, de mer.

Et vous aviez déjà perdu le ciel.

Vous ne pourriez plus voir que ça,

fini le temps où on pouvait divaguer

où on pouvait croire ou pas

à la vie paisible,

adjectif du mot paix.

En fait, si c’était là, ça, tout ça,

on dirait « la fin du monde. »

Parce que ça s’observe la fin du monde.

Sinon, on n’en parlerait pas.

Parce que même si la vie continue,

puisque vous vivriez ce que ce poème raconte

vous considéreriez que c’est pas ça la vie.

Que c’est beaucoup plus que ça, la vie.

Que ça mérite des chants, des choses simples, de se foutre la paix,

d’engueuler ses enfants quand ils font des bêtises,

bêtises que seuls eux sont capables d’avoir trouvé intelligentes

Mais ça c’est encore autre chose.

Chose que vous n’auriez plus envie de voir.

Alors que vos enfants, à pleins dans cette nature,

ils n’auraient pas le loisir des bêtises,

et ils feraient que des choses intelligentes pour ne pas mourir.

De plus en plus, pour rester en vie.

Tout simplement pour rester en vie,

car au-delà, la nature gronde trop fort.

Alors, vous auriez naturellement un nouvel ennemi : la nature.

Il y a deux fins à ça.

Imaginez que c’est seulement vous,

à l’endroit où vous êtes,

que vous êtes enfermé dans cette nature.

Qu’elle est produite de toute pièce par des machines infernales.

Ou bien imaginez que ce soit partout,

et que ce soit la fin du monde.

Dans tous les cas,

Chère âme,

dans quel état seriez-vous ?

En Palestine, peut-être.

Dans tous les cas,

c’est ça,

qu’on fait vivre à Gaza.