Zeta, rappeuse qui traîne à Toulouse mais peut se déplacer loin.
C’est une meuf moderne alors elle a inst****. :
Zeta, rappeuse qui traîne à Toulouse mais peut se déplacer loin.
C’est une meuf moderne alors elle a inst****. :
Un matin,
on avait enlevé
la petite porte rouge
Oh elle n’était pas petite
c’est son statut qui l’a rendue petite
Elle était en bois
Elle n’était pas rouge
Elle était peinte en rouge
Elle accompagnait des murs jaunes
issus de la pierre locale
On savait qu’elle devait partir
les travaux de la campagne
ceux qu’on nomme modernisation
depuis au moins cent ans
Et qui décide là
à tout petite échelle
décide sans cesse ce qui reste
et ce qui part
la campagne cache son jeu aussi bien que la ville
Comprenez bien
c’était une porte rouge
à double porte
des vitres épaisses
une menuiserie de détails
un savoir-faire comme on dit
des angles
rien de pompeux
pas une porte d’église
une porte d’école
de l’époque où les écoles méritaient des jolies portes
Pour l’ouvrir, la toucher, observer ce bois qui a pris
la pluie, le vent, la neige,
accompagné les photos de classe
il vous faut monter trois marches en pierre jaune
Autour de la porte, de la pierre
des couleurs
Mais non cette porte
elle devait laisser passer le froid
ou bien ne permettait pas d’ouvrir dans le bon sens
ou bien on ne sait plus y fabriquer des clefs
on ne sait pas bien ce qui dérange
Elle n’est pas en matériau moderne cette porte
Elle ne permet sûrement pas de joindre
la future rampe pour PMR
comme si la fille ou le garçon aux jambes roulantes
ne méritaient pas un peu de couleur
Et ce ne sont pas les marches qu’on a cassées
c’est la porte qu’on a enlevée
Pourquoi n’avons-nous pas lié le beau et l’utile
Elle est quand même très connue
joindre l’utile à l’agréable
Mais le point de jonction
entre passé, présent, avenir
n’est pas du tout
le point numéro un des réunions
J’irai relire
le début de Notre-Dame-de-Paris
déclaration d’amour à l’architecture
et j’irai me dire
que des Notre-dame en plein Paris
ça mérite réfection
mais qu’une porte en bois,
simple porte en bois,
belle en plein village
ça n’en mérite pas
Ne l’aurait-on pas dit encore ?
La Nouvelle porte est moche
Elle est blanche
en matériau vu vu et revu
une vitre où on voit à travers
on dirait qu’à la première tempête de neige
elle va se demander pourquoi elle est la porte de dehors et pas celle de l’intérieur
Non une porte de dehors
faut que ça tienne le temps
les coups
Alors on jette au ruisseau tout ce qui est là
et puis on tire trois cartes postales en noir et blanc
on dissocie, chacun son rôle,
les villageois
des gardiens du patrimoine
qui ont la tâche postérieure de muséifier les lieux dans des fausses mémoires
on ment
Ah la campagne, c’était…
Mais qu’est-ce que c’était ?
Cette porte rouge le savait
A la simple évocation de cette porte rouge
vous feriez naître des récits nombreux
des récits de personnes qui disent encore
qu’un parent qui a bien voulu les laisser à l’école
c’était un parent plein d’abnégation
Qu’ils ont eu de la chance pour tel ou tel aspectet qui tentent de faire comprendre
parfois avec esprit
parfois avec réaction
que de leur temps
l’individu avait
moins de place
vous voyez
je ne sais pas comment vous dire
mais qu’existaient les individualités
d’ailleurs,
à creuser
vous auriez pu retrouver
qui
a fait cette porte rouge
on signait dans le temps
les p’tits élus
oh ils ne sont pas petits
c’est leurs villes qui ont un petit statut
voient les travaux à faire
qui ne se signent plus
On lui demande
Mais vous ne l’aimiez pas cette porte rouge ?
Elle dit oh si, je me rappelle…
« Où est-elle partie ? »
« Ils l’ont embarquée – Vous la vouliez ? »
Non, bien sûr que non
Qu’est ce que je ferais d’une porte rouge qui deviendrait gigantesque pour moi
je la voulais là, collective
Demain dès minuit
Mymytchell
Moi qui suis née le deuxième jour de la semaine sanglante,
des années plus tard,
demain j’en aurai trente.
Trente ans, serait la cime,
vue de l’un et l’autre du versant
Pourtant me dit-on que ma jeunesse ne me permet pas
de tout comprendre,
que si le travail blesse
c’est qu’il faut mieux l’apprendre
Avez-vous repéré que l’âge de la raison recule ?
Au point de nous laisser peut-être
entre l’âge des envies et l’âge des regrets
juste quelques secondes ?
Pour une communarde, trente ans
c’était inatteignable.
Demain j’aurai trente ans, n’a pas dit Mabanckou
Il a dit vingt, car l’âge prend aussi du recul suivant la densité
d’un coup d’histoire
Demain je serai mort,
n’a pas dit Hugo,
mais dont les obsèques ouvrières rappelleront tous ses mots
Je ne fêterai pas cet anniversaire,
c’est pas grave les ami-e-s
si ce n’est avec vous dans la distanciation sociale
nom qu’on pourrait revoir
Je ne fêterai pas ça, je fêterai autre chose
Je fêterai le vivant en chaque chose
C’est toujours aussi l’anniversaire d’un accouchement,
on l’oublie celui-là
Je fêterai la conquête des âges,
celle qui nous a fait dire que travailler
n’était pas toute notre vie
Je laisserai à mes 29 ans, les terreurs nocturnes
les bêtes humaines et les disjonctions,
je sauterai avec les combats continus
J’aurai 30 ans demain, oui
mais c’est grâce à l’idée de la joie
à l’idée même d’action.
Il n’y a pas de bel âge, il n’y a que la vie.
Moi qui suis née le deuxième jour de la semaine sanglante,
c’est d’elle que je vais dire un mot.
Je n’aurai plus peur de dire de la poésie
qu’on ne financera jamais,
bande d’assassins.
Car vous fédéré-e-s,
votre poésie a la couleur du sang
Vous êtes beaux pour toujours,
vous êtes belles, bon sang.
Vous n’auriez eu trente ans qu’au prix de vains efforts,
de genoux déboîtés et de monstres dans le sang.
Si vous aviez su que la marchandise allait s’étendre à l’air,
l’eau,
la moindre miette de vie,
Mais vous n’aviez même pas besoin du mot
capitalisme
pour vous affronter à lui.
Fêtons l’anniversaire, oui.
Fêtons l’anniversaire des armes à la main,
et du temps gagné
contre le travail de nuit
Fêtons ce qui ne s’éteindra jamais
car l’électricité n’est pas seule
énergie
Et si c’est de la république qu’il s’agit,
il n’y a pas d’âge pour cette hypocrite.
Car pour survivre,
la république ardente,
il y a 149 ans,
a massacré
ce qu’elle appellerait aujourd’hui,
des adolescent-e-s.
21 mai 2020
In-quiétude.
Par Mymytchell
Imaginez un monde où le beau temps aurait disparu.
Une nature inquiétante sans solution, sans bleu
qui vient dissiper les malentendus.
Les éclairs seraient multiples, pas à un seul endroit.
Dans notre ciel, il y aurait un, deux, trois,
dix même, éclairs dans un même instant.
Tout le temps. Imaginez bien.
Puisque nous n’avons pas tous les mêmes cauchemars,
imaginez un monde où il faut beau tout le temps.
Mais il ne fait pas beau, il fait four.
La chaleur ne s’arrête plus, elle brûle,
et dehors n’existe plus
pour ses bienfaits.
On oublie que la terre a réussi à se défaire du ciel
en l’émasculant.
On oublie que c’est par la force d’une faucille,
du courage de ses habitant-e-s
de l’aide du temps
qu’elle a pu souffler
et voir apparaître au dessus d’elle une nouvelle couleur azur
qui a tant fait couler d’encre
aux poètes qui visiblement aiment surtout le bleu.
Cette nature serait la vôtre.
Elle serait la seule que vous pouvez offrir à vos enfants.
Les films qui montrent autre chose n’auraient plus le pouvoir d’apaiser
les longues soirées d’hiver et maintenant même les jours d’été.
Et si cette nature n’avait pas été la seule que vous connaissiez,
vous seriez capable d’imaginer fort ce qu’a pu être la nature.
Et vous le transmettriez à vos enfants.
Elle était changeante la nature, et en y repensant bien,
c’était cet imprévu qui vous plaisait.
Je sors, je sors pas, ahah, que d’aventures.
Et là devant cet enlisement de la nature en un seul état oppressif,
vous auriez peur.
Eux peut-être moins.
Mais vous auriez peur.
Vous auriez l’effroi que ça ne s’arrête jamais.
Vous auriez perdu les terrasses d’été,
les cigarettes sur les rochers pleins de mousses,
(ou le petit verre sur les rochers pleins de mousses
avec vos amitiés-là)
puis la nourriture,
l’eau douce,
le réseau,
puis les infrastructures,
le court, l’aérien, le léger
vous auriez le lourd, le bas, le dense.
Le bruit de l’eau serait devenu
la fureur des eaux jaunes et boueuses.
Vous auriez les pieds dans la boue pour avancer, le corps plein de boue, les photos pleines de boues, les vitres pleines de boues,
et vous perdriez même l’eau salée,
inaccessible, trop agitée.
Et vous seriez obligés par les éléments extérieurs,
de vous serrer aux autres.
Car la nature resserrerait l’espace de votre vie possible.
Tous les matins, vous auriez la surprise de voir disparaître encore
un banc de terre, de mer.
Et vous aviez déjà perdu le ciel.
Vous ne pourriez plus voir que ça,
fini le temps où on pouvait divaguer
où on pouvait croire ou pas
à la vie paisible,
adjectif du mot paix.
En fait, si c’était là, ça, tout ça,
on dirait « la fin du monde. »
Parce que ça s’observe la fin du monde.
Sinon, on n’en parlerait pas.
Parce que même si la vie continue,
puisque vous vivriez ce que ce poème raconte
vous considéreriez que c’est pas ça la vie.
Que c’est beaucoup plus que ça, la vie.
Que ça mérite des chants, des choses simples, de se foutre la paix,
d’engueuler ses enfants quand ils font des bêtises,
bêtises que seuls eux sont capables d’avoir trouvé intelligentes
Mais ça c’est encore autre chose.
Chose que vous n’auriez plus envie de voir.
Alors que vos enfants, à pleins dans cette nature,
ils n’auraient pas le loisir des bêtises,
et ils feraient que des choses intelligentes pour ne pas mourir.
De plus en plus, pour rester en vie.
Tout simplement pour rester en vie,
car au-delà, la nature gronde trop fort.
Alors, vous auriez naturellement un nouvel ennemi : la nature.
Il y a deux fins à ça.
Imaginez que c’est seulement vous,
à l’endroit où vous êtes,
que vous êtes enfermé dans cette nature.
Qu’elle est produite de toute pièce par des machines infernales.
Ou bien imaginez que ce soit partout,
et que ce soit la fin du monde.
Dans tous les cas,
Chère âme,
dans quel état seriez-vous ?
En Palestine, peut-être.
Dans tous les cas,
c’est ça,
qu’on fait vivre à Gaza.
Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén