Mois : juillet 2021

  • Sortie d’album Bombyx Stellaire – La rappeuse Zeta

    Sortie d’album Bombyx Stellaire – La rappeuse Zeta

    Zeta, rappeuse qui traîne à Toulouse mais peut se déplacer loin.

    C’est une meuf moderne alors elle a inst****. :

    https://www.instagram.com/tv/CPK9HfcA9ss/

  • La petite porte rouge

    La petite porte rouge

    Un matin,
    on avait enlevé
    la petite porte rouge
    Oh elle n’était pas petite
    c’est son statut qui l’a rendue petite

    Elle était en bois
    Elle n’était pas rouge
    Elle était peinte en rouge

    Elle accompagnait des murs jaunes
    issus de la pierre locale

    On savait qu’elle devait partir
    les travaux de la campagne
    ceux qu’on nomme modernisation
    depuis au moins cent ans

    Et qui décide là
    à tout petite échelle
    décide sans cesse ce qui reste
    et ce qui part
    la campagne cache son jeu aussi bien que la ville

    Comprenez bien
    c’était une porte rouge
    à double porte
    des vitres épaisses
    une menuiserie de détails
    un savoir-faire comme on dit
    des angles
    rien de pompeux
    pas une porte d’église
    une porte d’école
    de l’époque où les écoles méritaient des jolies portes
    Pour l’ouvrir, la toucher, observer ce bois qui a pris
    la pluie, le vent, la neige,
    accompagné les photos de classe
    il vous faut monter trois marches en pierre jaune
    Autour de la porte, de la pierre
    des couleurs

    Mais non cette porte
    elle devait laisser passer le froid
    ou bien ne permettait pas d’ouvrir dans le bon sens
    ou bien on ne sait plus y fabriquer des clefs
    on ne sait pas bien ce qui dérange
    Elle n’est pas en matériau moderne cette porte
    Elle ne permet sûrement pas de joindre
    la future rampe pour PMR
    comme si la fille ou le garçon aux jambes roulantes
    ne méritaient pas un peu de couleur
    Et ce ne sont pas les marches qu’on a cassées
    c’est la porte qu’on a enlevée
    Pourquoi n’avons-nous pas lié le beau et l’utile
    Elle est quand même très connue
    joindre l’utile à l’agréable

    Mais le point de jonction
    entre passé, présent, avenir
    n’est pas du tout
    le point numéro un des réunions

    J’irai relire
    le début de Notre-Dame-de-Paris
    déclaration d’amour à l’architecture
    et j’irai me dire
    que des Notre-dame en plein Paris
    ça mérite réfection
    mais qu’une porte en bois,
    simple porte en bois,
    belle en plein village
    ça n’en mérite pas

    Ne l’aurait-on pas dit encore ?
    La Nouvelle porte est moche
    Elle est blanche
    en matériau vu vu et revu
    une vitre où on voit à travers
    on dirait qu’à la première tempête de neige
    elle va se demander pourquoi elle est la porte de dehors et pas celle de l’intérieur
    Non une porte de dehors
    faut que ça tienne le temps
    les coups

    Alors on jette au ruisseau tout ce qui est là
    et puis on tire trois cartes postales en noir et blanc
    on dissocie, chacun son rôle,
    les villageois
    des gardiens du patrimoine
    qui ont la tâche postérieure de muséifier les lieux dans des fausses mémoires
    on ment
    Ah la campagne, c’était…
    Mais qu’est-ce que c’était ?
    Cette porte rouge le savait

    A la simple évocation de cette porte rouge
    vous feriez naître des récits nombreux
    des récits de personnes qui disent encore
    qu’un parent qui a bien voulu les laisser à l’école
    c’était un parent plein d’abnégation
    Qu’ils ont eu de la chance pour tel ou tel aspectet qui tentent de faire comprendre
    parfois avec esprit
    parfois avec réaction
    que de leur temps
    l’individu avait
    moins de place
    vous voyez
    je ne sais pas comment vous dire
    mais qu’existaient les individualités
    d’ailleurs,
    à creuser
    vous auriez pu retrouver
    qui
    a fait cette porte rouge
    on signait dans le temps

    les p’tits élus
    oh ils ne sont pas petits
    c’est leurs villes qui ont un petit statut
    voient les travaux à faire
    qui ne se signent plus

    On lui demande
    Mais vous ne l’aimiez pas cette porte rouge ?
    Elle dit oh si, je me rappelle…
    « Où est-elle partie ? »
    « Ils l’ont embarquée – Vous la vouliez ? »

    Non, bien sûr que non
    Qu’est ce que je ferais d’une porte rouge qui deviendrait gigantesque pour moi
    je la voulais là, collective

  • Demain dès minuit

    Demain dès minuit

    Mymytchell

    Moi qui suis née le deuxième jour de la semaine sanglante,

    des années plus tard,

    demain j’en aurai trente.

    Trente ans, serait la cime,

    vue de l’un et l’autre du versant

    Pourtant me dit-on que ma jeunesse ne me permet pas

    de tout comprendre,

    que si le travail blesse

    c’est qu’il faut mieux l’apprendre

    Avez-vous repéré que l’âge de la raison recule ?

    Au point de nous laisser peut-être

    entre l’âge des envies et l’âge des regrets

    juste quelques secondes ?

    Pour une communarde, trente ans

    c’était inatteignable.

    Demain j’aurai trente ans, n’a pas dit Mabanckou

    Il a dit vingt, car l’âge prend aussi du recul suivant la densité

    d’un coup d’histoire

    Demain je serai mort,

    n’a pas dit Hugo,

    mais dont les obsèques ouvrières rappelleront tous ses mots

    Je ne fêterai pas cet anniversaire,

    c’est pas grave les ami-e-s

    si ce n’est avec vous dans la distanciation sociale

    nom qu’on pourrait revoir

    Je ne fêterai pas ça, je fêterai autre chose

    Je fêterai le vivant en chaque chose

    C’est toujours aussi l’anniversaire d’un accouchement,

    on l’oublie celui-là

    Je fêterai la conquête des âges,

    celle qui nous a fait dire que travailler

    n’était pas toute notre vie

    Je laisserai à mes 29 ans, les terreurs nocturnes

    les bêtes humaines et les disjonctions,

    je sauterai avec les combats continus

    J’aurai 30 ans demain, oui

    mais c’est grâce à l’idée de la joie

    à l’idée même d’action.

    Il n’y a pas de bel âge, il n’y a que la vie.

    Moi qui suis née le deuxième jour de la semaine sanglante,

    c’est d’elle que je vais dire un mot.

    Je n’aurai plus peur de dire de la poésie

    qu’on ne financera jamais,

    bande d’assassins.

    Car vous fédéré-e-s,

    votre poésie a la couleur du sang

    Vous êtes beaux pour toujours,

    vous êtes belles, bon sang.

    Vous n’auriez eu trente ans qu’au prix de vains efforts,

    de genoux déboîtés et de monstres dans le sang.

    Si vous aviez su que la marchandise allait s’étendre à l’air,

    l’eau,

    la moindre miette de vie,

    Mais vous n’aviez même pas besoin du mot

    capitalisme

    pour vous affronter à lui.

    Fêtons l’anniversaire, oui.

    Fêtons l’anniversaire des armes à la main,

    et du temps gagné

    contre le travail de nuit

    Fêtons ce qui ne s’éteindra jamais

    car l’électricité n’est pas seule

    énergie

    Et si c’est de la république qu’il s’agit,

    il n’y a pas d’âge pour cette hypocrite.

    Car pour survivre,

    la république ardente,

    il y a 149 ans,

    a massacré

    ce qu’elle appellerait aujourd’hui,

    des adolescent-e-s.

    21 mai 2020

  • In-quiètude

    In-quiétude.

    Par Mymytchell

    Imaginez un monde où le beau temps aurait disparu.

    Une nature inquiétante sans solution, sans bleu

    qui vient dissiper les malentendus.

    Les éclairs seraient multiples, pas à un seul endroit.

    Dans notre ciel, il y aurait un, deux, trois,

    dix même, éclairs dans un même instant.

    Tout le temps. Imaginez bien.

    Puisque nous n’avons pas tous les mêmes cauchemars,

    imaginez un monde où il faut beau tout le temps.

    Mais il ne fait pas beau, il fait four.

    La chaleur ne s’arrête plus, elle brûle,

    et dehors n’existe plus

    pour ses bienfaits.

    On oublie que la terre a réussi à se défaire du ciel

    en l’émasculant.

    On oublie que c’est par la force d’une faucille,

    du courage de ses habitant-e-s

    de l’aide du temps

    qu’elle a pu souffler

    et voir apparaître au dessus d’elle une nouvelle couleur azur

    qui a tant fait couler d’encre

    aux poètes qui visiblement aiment surtout le bleu.

    Cette nature serait la vôtre.

    Elle serait la seule que vous pouvez offrir à vos enfants.

    Les films qui montrent autre chose n’auraient plus le pouvoir d’apaiser

    les longues soirées d’hiver et maintenant même les jours d’été.

    Et si cette nature n’avait pas été la seule que vous connaissiez,

    vous seriez capable d’imaginer fort ce qu’a pu être la nature.

    Et vous le transmettriez à vos enfants.

    Elle était changeante la nature, et en y repensant bien,

    c’était cet imprévu qui vous plaisait.

    Je sors, je sors pas, ahah, que d’aventures.

    Et là devant cet enlisement de la nature en un seul état oppressif,

    vous auriez peur.

    Eux peut-être moins.

    Mais vous auriez peur.

    Vous auriez l’effroi que ça ne s’arrête jamais.

    Vous auriez perdu les terrasses d’été,

    les cigarettes sur les rochers pleins de mousses,

    (ou le petit verre sur les rochers pleins de mousses

    avec vos amitiés-là)

    puis la nourriture,

    l’eau douce,

    le réseau,

    puis les infrastructures,

    le court, l’aérien, le léger

    vous auriez le lourd, le bas, le dense.

    Le bruit de l’eau serait devenu

    la fureur des eaux jaunes et boueuses.

    Vous auriez les pieds dans la boue pour avancer, le corps plein de boue, les photos pleines de boues, les vitres pleines de boues,

    et vous perdriez même l’eau salée,

    inaccessible, trop agitée.

    Et vous seriez obligés par les éléments extérieurs,

    de vous serrer aux autres.

    Car la nature resserrerait l’espace de votre vie possible.

    Tous les matins, vous auriez la surprise de voir disparaître encore

    un banc de terre, de mer.

    Et vous aviez déjà perdu le ciel.

    Vous ne pourriez plus voir que ça,

    fini le temps où on pouvait divaguer

    où on pouvait croire ou pas

    à la vie paisible,

    adjectif du mot paix.

    En fait, si c’était là, ça, tout ça,

    on dirait « la fin du monde. »

    Parce que ça s’observe la fin du monde.

    Sinon, on n’en parlerait pas.

    Parce que même si la vie continue,

    puisque vous vivriez ce que ce poème raconte

    vous considéreriez que c’est pas ça la vie.

    Que c’est beaucoup plus que ça, la vie.

    Que ça mérite des chants, des choses simples, de se foutre la paix,

    d’engueuler ses enfants quand ils font des bêtises,

    bêtises que seuls eux sont capables d’avoir trouvé intelligentes

    Mais ça c’est encore autre chose.

    Chose que vous n’auriez plus envie de voir.

    Alors que vos enfants, à pleins dans cette nature,

    ils n’auraient pas le loisir des bêtises,

    et ils feraient que des choses intelligentes pour ne pas mourir.

    De plus en plus, pour rester en vie.

    Tout simplement pour rester en vie,

    car au-delà, la nature gronde trop fort.

    Alors, vous auriez naturellement un nouvel ennemi : la nature.

    Il y a deux fins à ça.

    Imaginez que c’est seulement vous,

    à l’endroit où vous êtes,

    que vous êtes enfermé dans cette nature.

    Qu’elle est produite de toute pièce par des machines infernales.

    Ou bien imaginez que ce soit partout,

    et que ce soit la fin du monde.

    Dans tous les cas,

    Chère âme,

    dans quel état seriez-vous ?

    En Palestine, peut-être.

    Dans tous les cas,

    c’est ça,

    qu’on fait vivre à Gaza.