Détours de chant, la chanson sous tous ses contours
Festival de chanson francophone niché au cœur de l’hiver à Toulouse et agglomération, Détours de chant a concocté pour sa 22è édition un programme à entrées multiples, décliné dans 22 salles de la « Ville des musiques ». Découvertes en pagaille, et fidèles à l’affut.
Pour sa vingt-deuxième édition, Détours de chant s’offre 22 salles, de la Cave (50 places) à la Halle aux Grains (1 200 places). Y seront présentés 38 artistes, lors de 50 représentations destinées à défendre les valeurs de la chanson francophone.
Déployé dans la ville rose et dans des communes limitrophes, ce festival courageux car hivernal et implanté à des dates considérées comme peu courtisées (du 24 janvier au 4 février) revendique son esprit d’aventure.
Si Toulouse, « Ville de musiques », a généré des talents multiples, de Claude Nougaro au groupe Zebda, des Occitans Fabulous Trobadors au duo rap Bigflo et Oli, c’est qu’elle possède le goût de l’aventure musicale, et un réseau dense d’associations et de salles ouvertes à des publics « qui s’accordent très bien », selon Philippe Pagès, coordinateur du festival et ancien directeur du Bijou, salle de chanson (89 places).
Focus sur les jeunes talents
La particularité de Détours de chant réside dans son intérêt à créer des ponts entre artistes professionnels, pratiques amateurs et public au taquet, tout en laissant vivre les rencontres dans le plaisir de la chanson. « C’est un travail collectif de découverte des talents francophones, poursuit Philippe Pagès. Nous travaillons ensemble, en laissant une grande autonomie à chaque salle ». Au programme de la 22é édition, on trouve des fidèles (Yves Jamait), des « premières fois » (Bertrand Belin, Yannick Jaulin, Debout sur le Zinc), des émergents (Bonbon Vaudou, Maia Barouh) et de très nombreuses découvertes. « La langue française peut sonner sur tous les rythmes, dans tous les styles. Et beaucoup s’y emploient, avec passion, y compris les jeunes. Pour les débutants, nous avons créé une journée « Coup de Pousses » où cinq artistes disposent d’une plage de 40 minutes chacun, nous leur laissons du temps pour s’exprimer ».
Heureux d’avoir créé ce concept de « slow-spectacle », s’amuse Philippe Pagès, Détours de chant suit la carrière de « ses » découvertes. Ainsi MyMytchell qui avait été l’une des « Coup de pousses » 2021 se produira en première partie de Bertrand Belin à l’Escale de Tournefeuille, puis, seule au Pavillon Blanc de Colommiers, autre commune de l’agglomération toulousaine. « J’ai commencé dans la rue, dans les manifs et sur les scènes militantes, explique la jeune femme qui va publier bientôt son troisième album. Puis dans les bars. Je chantais aussi, toujours en guitare-voix ». C’est lors des apéros spectacles du Théâtre du Grand Rond que l’autrice-compositrice est repérée par le Bijou, qui en apprécie les « textes poétiques-politiques ». Grandie en Seine-Saint- Denis, Toulousaine d’adoption, MyMytchell s’inscrit en faux contre « l’étiquette de genre désuet qui marque la chanson, au profit de l’urbain qui est une autre manière de s’exprimer ».
Membre de Fédéchanson, une entité qui repère les artistes et en favorise la circulation, Détours de chant explore en amont les scènes francophones, en Occitanie, en France, en Belgique, au Canada, en Suisse, etc., prenant le pari de retrouver les ressorts intergénérationnels de la chanson. « Où les femmes vivent encore dans une certaine adversité, poursuit MyMytchell. Sur les petites scènes, il y a encore une majorité écrasante d’hommes. Le combat n’est pas gagné, avec la menace de rester « émergentes » toute notre vie ».
Un festival né sous une bonne étoile
Or, Détours de chant a de qui tenir. A son origine, il y a l’artiste multifaces Hervé Suhubiette. Chanteur, écrivain, auteur compositeur et activiste de la chanson pour les grands et les petits, féru de pratiques amateurs, il vouait une admiration sans borne à Anne Sylvestre, avec qui il rêvait de chanter. L’artiste sera même invitée en 2002 à se produire sur scène dans un concert qui marquera les premiers jalons de l’organisation du futur festival. « C’est elle qui a trouvé le nom Détours de chant », précise Philippe Pagès.